Temps figé gris clair et ciel clairsemé dans les yeux d’Umiko, tandis que ceux des autres se portent sur l’horizon.

Précédemment dans Ocean Rush

Temps mort ou avance rapide

Jeune, on a hâte de grandir, pour dilapider son salaire dans les bonbons. Et puis on grandit. On découvre les chaises de l’école, le bruit dans les intercours, les notes qui font le yoyo et les devoirs. Nouveau saut dans le temps, bonjour emploi, chômage et pression. Avec quelques morceaux d’enfants et un appartement à crédit. Devenir propriétaire ? Le rêve a fondu dans les AGIO depuis longtemps. Et le temps passe encore. Par ici, la retraite, enfin, ce qu’il en reste. Et puis, et puis…

C’est déprimant.

On recommence. On a le temps.

Retour rapide. Lecture. Où commence le film ? Umiko rêve toujours de filmer Kai aujourd’hui. Si les autres l’ont déjà fait, elle le fera aussi. Mais sans se comparer aux autres, justement. Plus facile à dire qu’à faire.

Alors, où commence le film ? Car Umiko aussi a fait ses débuts d’actrice, capturée par Kai. Qu’a-t-il filmé ? A-t-il emprisonné le temps ? Quel est le temps du tome 6 ? C’est le printemps, la remise des diplômes pour les uns, la poursuite de la scolarité pour les autres. Le temps ne s’arrête pas. Bien au contraire. Il part trop vide. Les mains d’Umiko sont couvertes de rides.

Arrêt sur image

Le tome 6 d’Ocean Rush nous précipite une nouvelle fois au fond de l’eau. Le shôjo manga met le doigt sur quelque chose de difficilement traduisible avec les mots. Il nous parle du temps qui passe, des rêves, de la réalité de la vie en société, des attentes des parents, parfois en contradiction avec les passions des enfants. Que faire de ces passions, surtout lorsqu’elles semblent ne pas servir la société, du moins, dans les yeux de ceux qui les considèrent comme de simples passe-temps ?

Avancer à l’arrêt

A quoi pense Umiko maintenant qu’elle avance dans sa vie d’étudiante ? Va-t-elle chercher un emploi, comme les autres ?

Mais les autres ont 40 ans de moins et lui disent clairement « qu’elle n’est pas concernée ». Et c’est vrai. Umiko a déjà vécu cette vie-là. Son temps à elle n’est pas celui de ses jeunes camarades étudiants. C’est rageant. Que faire de cette colère ? Comment composer avec ce temps qui n’arrête pas de filer ? Que faire de son avenir ?

Toutes ces questions bouleversent Umiko, alors que Kai avance. Il est en dernière année. Elle est en 2e année. Deux ans se sont donc écoulés depuis sa nouvelle vie d’étudiante. Kai, toujours aussi insaisissable, file vers l’avenir. Umiko s’est-elle échouée quelque part ? Doit-elle encore investir dans son rêve : être réalisatrice ? Ou attendre paisiblement un échec… inéluctable ? Certains diront que Umiko a déjà fait le maximum, que rêve n’était pas tant d’être réalisatrice que de vivre sa passion pour le cinéma. Mais s’arrêter, pour Umiko, c’est ne plus avoir de motivation. Et sans motivation, que ferait-elle de ce temps qui file toujours ?

Le temps du shôjo

Le tome 6 d’Ocean Rush réussit une nouvelle fois à nous faire ressentir une foule d’émotions. On dit souvent qu’il plaira à tous/toutes les passionnés de cinéma, et je pense que c’est bien vrai. Le manga de TARACHINE John, plaira aussi à tous les autres. Car l’humanité, la sensibilité qui transpire de ce shôjo manga parle à toutes et à tous. Personnellement, je vais au cinéma une fois tous les… J’ai vu Titanic à l’époque, n’est-ce pas. Et j’ai vu Le Grand Magasin. Entre les deux, beaucoup (trop) de temps.

Shôjo, josei = shôjosei

Ocean Rush est un shôjo manga, prépublié chez Mystery Bonita (éditeur : Akita Shoten). Dans l’imaginaire collectif, le shôjo serait obligatoirement une romance mièvre sans aucun intérêt. C’est totalement faux, et ce, depuis le début. Confèrent les excellentes œuvres de science-fiction de HAGIO Moto (Barbara…), TAKEMIYA Keiko (Destination terra)… Il existe également d’excellentes romances, histoires de vie, histoires fortes dont on a tous besoin (A sign of affection, The Blue Flowers and The Ceramic Forest).

Les classifications ont hélas tendance à enfermer le shôjo dans un moule qui ne lui convient pas. Le shônen, lui, est souvent encensé plus que de raison. Il existe bien entendu d’excellents shoseinen (shônen et seinen), débarrassés des terribles clichés sexistes et du fan service. Quant au shojosei, il est tout aussi riche que son confrère. On trouve ainsi des titres d’action, de science-fiction, de fantastique, des chroniques sur le monde du travail, des comédies, du sport, de l’horreur… Le manga d’horreur constitue même l’un des piliers du shôjo manga. Plus d’infos dans les brillants dossiers de ma collègue Julia POPEK, à lire sur le site du Club shôjo.

Le temps devant soi

TARACHINE John, l’autrice d’Ocean Rush, parvient, à travers ses dessins et son scénario, à montrer et parler de l’humain. Les questions d’Umiko, de Kai et des autres jeunes nous parlent. Les métiers d’art sont-ils des métiers ? Les rêves ont-ils une date de péremption ? Que faire du regard de l’autre ? Comment gérer la pression ? Comment être bienveillant avec soi ?

Les réponses, ou plutôt, les cheminements vers les réponses, sont à découvrir dans Ocean Rush.

Les infos en plus

Ocean Rush : éditions Akata

Générique du podcast : Hands of the wind, de Manuel DELSOL

Effets sonores : ⁠ZapSlast.com

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