Les comédies romantiques : un monde, un programme qui se regarde avec le cœur battant et les papillons dans les yeux. Mais entre comédie romantique et comédie romantoc, les dents se crispent. Une femme devrait-elle tout accepter pour les beaux yeux de son prince non charmant ?
Attention, ci-dessous, des révélations à gogo.
She was pretty – la belle qui se croyait laide
Kim Hye Jin est moche. Enfin, c’est ce qu’elle croit, à cause des railleries du monde. Elle vit en colocation avec sa belle et riche meilleure amie Ha Ri. Il fut un temps où Hye Jin aussi était riche et belle. Ses parents géraient une maison d’édition. A l’époque, Hye Jin s’entendait bien avec son camarade de classe Ji Seong Jun. Un camarade brimé à cause de ses rondeurs, qui appréciait la bienveillance de l’héroïne. Hélas, les parents de Hye Jin font faillite. Ceux de Seong Jun déménagent aux États-Unis. La crise, le chômage, les fins de mois difficiles et la peau qui se grippe. Hye Jin s’enlaidit à mesure qu’elle grandit. Seong Jun, mincit et embellit.
Les deux amis se retrouvent après des années de séparation, mais rien ne va plus.Seong Jun est un bel homme riche propulsé à la tête d’un magazine de mode en vogue. Hye Jin est une fille moche au chômage, en faillite sociale et économique. Comble de la faillite, elle décroche enfin un boulot, mais de carabistouilles en quiproquos, se retrouve à travailler dans le magazine de Seong Jun. Elle l’a reconnu, mais pas lui. Ayant honte de son apparence, Hye Jin préfère envoyer sa belle meilleure amie jouer les sosies…
Les origines du drama
She was pretty est un drama coréen diffusé en 2015 en Corée du Sud, réalisé par Jeong Dae Yun et scénarisé par Jo Seong Hee.
Acteurs : Hwang Jung-eum (Kim Hye Jin) ; Go Joon Hee : (Min Ha Ri) ; Park Seo Joon : (Ji Sung Joon) ; Choi Si Won : (Kim Shin Hyuk).
Dans le vaste monde des comédies romantiques, She was pretty tient une place de choix. Hilarant, touchant, doux… Effectivement, la série rassemble ces qualités. On oublie cependant de préciser certaines choses pourtant essentielles.
1/She IS pretty
L’héroïne n’est pas moche : mettre des lunettes, des taches de rousseur, des cheveux frisés pour rendre quelqu’un moche, c’est nul et pas très sympa pour les gens qui ont des lunettes, des taches de rousseur, et/ou des cheveux frisés.Pire : l’héroïne deviendra officiellement belle après un relooking maquillage et lissage de cheveux. Objectivement, elle était plus jolie au naturel.
Cette comédie romantique véhicule deux messages contraires : être soi passerait par le maquillage. Être belle serait forcément être maquillée. Bien sûr, libre à chacune de se maquiller. L’important est d’être bien avec soi. Mais poser le mascara comme base de la beauté n’a pas de sens.
2/Le héros est horrible, et tout le monde s’en fiche, car il est beau
Le héros devenu mince se comporte horriblement mal avec l’héroïne, parce qu’elle est soi-disant moche. Il la discrimine, la trouve nulle. Il ignore qu’il s’agit de son amie d’enfance, mais on s’en fiche. Pourquoi quelqu’un ayant souffert de grossophobie se comporte-t-il comme ses anciens tortionnaires ? La raison qu’il invoque n’a aucun sens.
Ji Sung Joon incarne le héros tortionnaire typique des comédies romantiques, qui, au fond, a un gentil cœur ne demandant qu’à battre pour l’héroïne. L’héroïne se laisse insulter et malmener, car elle sait que son bourreau de boss a les émotions fragiles, au fond.
3/Le boy next door est le vrai héros comique et romantique
On sourit, on rit parfois, mais ce n’est pas grâce au couple principal. Celui qui sauve She was pretty, c’est Kim Sin Hyok. Il joue hélas le rôle de l’éternel second. Pour je ne sais quelle raison tordue, on aime nous inonder de triangles amoureux ne présentant aucune issue pour le malheureux éconduit. On ne compte plus les comédies romantiques où le second méritait, plus que le héros, l’amour de l’héroïne.
On aime encore trop souvent présenter des sales types égoïstes, impolis et méchants comme des héros au cœur tendre. Au contraire, les hommes qui ont vraiment le cœur tendre, les garçons gentils, sont montrés comme des nuls. Kim Sin Hyok est gentil, drôle. Son humour candide très premier degré fait étonnement mouche. Il forme un excellent duo avec l’héroïne. Mais son amour restera à sens unique.
Une comédie romantique qui fait flop ?
La cruauté du héros au début du drama refroidit complètement. Ses traumas (le sale type de comédie romantique a toujours un horrible trauma qui le rend soudainement attachant) n’expliquent pas sa cruauté.
Et la mode ? Et la meilleure amie ? Certes, le drama aborde des sujets profonds, comme les difficultés familiales, la peur du rejet, l’estime de soi, etc. Mais ils sont traités trop légèrement. C’est toujours cette image de femme qui galère qu’aiment présenter les comédies romantiques. On est sur la « pauvre princesse » qui rencontre son prince… un malotru, mais riche, beau, et sympa, au fond.
Et l’héroïne, cette bonne poire, accepte toutes les vexations, car elle sait que son gars n’est pas si méchant. C’est triste de voir qu’encore aujourd’hui, on abreuve les gens de ce genre de concepts… qui ont leur succès. Bien sûr, tout n’est pas mauvais dans She was pretty, mais le pitch de « pauvre fille moche qui rencontre son méchant gentil prince »… Non.
Let’s get divorced – le faux drama avant-gardiste
Aux yeux du monde, la populaire actrice Kurosawa Yui et le député engagé Shoji Taishi forment le couple idéal. En réalité, ils ne s’entendent plus depuis longtemps et rêvent de divorcer. Le mensonge s’avère hélas de plus en plus difficile à tenir, surtout lorsque Yui apprend, et que le monde apprend que Taishi a une liaison. L’image du mari et du gendre idéal se brise. Mais quel rôle va jouer Yui ? Celui de l’épouse en colère ? De l’épouse résiliente, qui défend son mari ?
La belle-mère délivre à sa belle-fille un conseil de son jus : « Tous les hommes ont des liaisons, il faut se faire une raison… ». Au contraire, l’actrice se demande ce qu’elle pourra gagner dans ce deal injuste. Yui fait alors la rencontre de l’énigmatique artiste Kano Kyoji…
Les origines du drama
Let’s get divorced (Rikon shiyou yo en japonais, sorti en 2023) est un drama japonais réalisé par le trio FUKUDA Ryosuke, SAKAGAMI Takuya et KANEKO Fuminori. Kaneko et Fukuda ont notamment collaboré surOre no ie no hanashi. Ils retrouvent leur collègue KUDO Kankuro au scénario, avec la scénariste OISHI Shizuka.
Tout d’abord, je tiens à signaler une scène ultra choquante, dans l’épisode 1: le député, visiblement affamé, se jette brutalement sur sa femme et la plaque au sol. Elle refuse. Il la maintient de force et fait son affaire. C’est ce qu’on appelle un viol. C’est la seule scène de ce type dans le drama. Mais on n’en parlera pas. Pas plus qu’on ne mettra un mot sur ce qu’a subi Yui.
Se moque-t-on de l’infertilité masculine ?
Kyoji, le 2e héros masculin, veut fonder une famille. Il voudrait tellement être père qu’il se dit prêt à élever des enfants qui ne seraient pas biologiquement les siens. Problème, explique-t-on dans le drama : il est « impuissant ». A plusieurs reprises, l’histoire va mélanger impuissance et stérilité. Or, le terme « impuissance », péjoratif, devrait être banni une bonne fois pour toutes.
L’impuissance est l’incapacité pour un homme d’obtenir ou de maintenir une érection, et, de ce fait, d’avoir un rapport sexuel satisfaisant (Larousse). Quand on parle d’impuissance, on parle donc d’un trouble de l’érection.
Infertilité (ou stérilité, mais le terme « infertile » est désormais préféré) : « impossibilité de procréer du fait soit du partenaire masculin (défaut anatomique, insuffisance sécrétoire ou excrétoire) soit du partenaire féminin (anomalie anatomique ou fonctionnelle). » (Dictionnaire de l’académie de médecine)
Tant pis pour la souffrance des hommes
Dans le drama, personne ne compatit à la douleur de Kyoji. On ne retient qu’une chose : il est l’homme impuissant. Il perd de fait sa qualité d’homme « fort » et finit en élément comique pathétique.
Le traitement de sa pathologie est très choquant. S’il s’agissait d’une femme, on aurait parlé de son infertilité avec sérieux. Là, Kyoji est ridiculisé. Personne ne veut le comprendre. Cette minimisation de la douleur est épouvantable. Le K drama Oh My Baby(anciennement sur Netflix, dispo sur Viki) traite également l’infertilité du héros avec une légèreté sans nom… alors que celle de l’héroïne est traitée avec grand sérieux.
Ce n’est pas une affaire de « puissance »
Stop aux vieux relents virilistes. L’acte sexuel n’a rien à voir avec la puissance, la performance ou la domination. C’est tout le contraire : c’est acte d’amour. Utiliser le terme « impuissant » est discriminant, stigmatisant et renvoie à des idées erronées. Un comble pour un drama qui se veut avant-gardiste.
Une comédie romantique classiquement agaçante
Lorsqu’elle décidera de soutenir son mari lancé dans une âpre campagne politique, Yui se transformera en épouse conforme aux clichés. De nouveaux sous-entendus discriminatoires sont lancés : la politique est une affaire d’hommes. La seule femme en lice est « ramenée » à sa position de « femme » comme s’il s’agissait d’une position par nature inférieure à celle de l’homme.
C’est plutôt le héros, l’homme politique volage repenti, qui s’illustrera en tant que défenseur d’une nouvelle organisation familiale. Un système où l’homme prend pleinement sa place de père de famille, une place qui ne se limite pas à jouer de temps en temps avec son enfant, mais qui s’étend au changement de couches, au manger et au nettoyage de vomi. L’héroïne actrice, quant à elle, croit s’émanciper en parcourant les hommes. O tristesse.
Un cas d’amour incurable – il faut savoir se soigner, ma fille !
Nanase, en dernière année de lycée, ne sait pas quelle orientation prendre. Un jour, elle tombe sur une grand-mère en plein malaise. Paniquée, elle crie à l’aide. Heureusement, un chirurgien réputé et beau gosse (Kairi) fait son footing dans le coin. Ni de une, ni de deux, il se précipite sur notre héroïne et secourt la grand-mère. Les secours arrivent. Le médecin félicite la lycéenne et doit y mettre une chaleur particulière, car la jeune fille, toute perturbée par ce qu’il vient de se passer, voit son horizon soudain rempli de stéthoscopes et de cœurs brûlant de passion. Elle a trouvé, et l’homme de sa vie, et sa vocation : elle sera infirmière.
Pourquoi pas chirurgienne ? C’est vrai quoi, Nanase, qui n’envisage plus la vie sans son homme, ambitionne de travailler là où il se terre : à l’hôpital. C’est un raisonnement de stalkeuse, et c’est inquiétant. Et donc, pourquoi pas chirurgienne, histoire d’opérer littéralement main dans la main avec son bonhomme ? Disons que Nanase n’a pas le temps d’embrasser 12 ou 15 ans d’études. Sympa pour les infirmiers et infirmières qui font leur métier avec professionnalisme. Nanase comprendra vite que l’hôpital, c’est pas une appli de rencontre.
Mais pour l’instant, l’héroïne a la chance d’effectuer son stage dans l’hôpital où bosse Kairi. Et bim ! Elle lui confesse son amour ardent. Mais l’homme revient d’une opération et sent plus les organes flétris que l’ardente passion. Il la remballe sèchement. Elle découvre un homme au caractère atroce. Elle ne s’avoue cependant pas vaincue. Kairi est à elle ! Nanase apprendra aussi à aimer son métier…
Les origines
Un cas d’amour incurable (恋はつづくよどこまで, 2020, Japon) est l’adaptation d’un manga de ENJOJI Maki. Sorti en 2016 au Japon, le manga d’origine est paru en France en 2019 chez feu Kaze manga (Crunchyroll) ; il est terminé en 7 tomes.
En France, c’est Viki qui a tout d’abord proposé gratuitement le drama, avant que Netflix ne le propose aussi. Le drama est réalisé par FUKUDA Ryosuke, KANEKO Fuminori et TANAKA Kenta. KANEKO Arisa (Famille en flammes) et WATANABE Mako (Kochi mukaite Mukai-kun) assurent le scénario.
Un cas d’amour incurable accumule les mêmes problèmes que dans She was pretty. Kairi, le super médecin, ne cesse d’insulter Nanase, l’infirmière. Loin de s’en émouvoir, l’infirmière acquiesce et se dénigre elle-même. Son attitude est parfois agaçante, comme sa manière de trottiner dans les couloirs de l’hôpital.
Comme toute comédie romantique versée dans les clichés, on nous flanque un triangle amoureux. Koichi, collègue de Kairi sympa et prévenant, tombe amoureux de Nanase. Mais rien à faire, c’est son tortionnaire qu’elle préfère. Heureusement, Koichi reste digne et lâche vite l’affaire. Dès lors, il ne sert à pas grand-chose. Une autre infirmière de l’hôpital l’aime, mais leur relation passe à la trappe. C’est le grand problème de ce type de comédies romantiques. Les personnages secondaires n’existent que dans leur relation avec les héros. C’est encore plus vrai avec l’intervention d’une sœur, parfait sosie de sa défunte sœur, qui vient perturber le couple Nanase/Kairi. Dès que ça fait « flop », la fille ne sert plus à rien.
Les hommes surcotés
On retrouve ce point très inquiétant : les hommes sont survalorisés. Ici, ils sont presque tous chefs. Kairi et Koichi sont de brillants chirurgiens. Au-dessus d’eux, c’est encore un homme. On trouve une cheffe en pédiatrie, mais on ne la voit jamais pratiquer, contrairement aux hommes. Les autres femmes sont infirmières. Deux hommes sont infirmiers, mais ils n’occupent pas les premiers rôles. Le message de la série est clair : les blouses blanches, c’est pour les hommes. D’un côté, le métier d’infirmier est mal mis en valeur ; de l’autre, les femmes ne sont pas non plus mises en valeur.
Comportement problématique
Le comportement de Nanase, à la limite de l’idolâtrie envers son médecin bourreau, est particulièrement problématique. Beaucoup n’y verront que du second degré, mais c’est justement ce genre de raisonnement qui conduit au succès intolérable de ces séries où des héroïnes présentées comme niaises, mais pleines de vie, ramènent la joie dans le quotidien de leur bourreau dictateur aimant.
Qui, dans la vraie vie, accepterait de se laisser marcher sur les pieds et de se faire traiter d’imbécile ? Dans les fictions, le héros bourreau s’en sort toujours par un côté protecteur : il est ignoble, mais dans de rares élans humains, il s’inquiète pour l’héroïne. Il s’illustre dans des scènes où il la sauve. Là encore, Un cas d’amour incurable n’échappe pas aux clichés. Kairi sauve Nanase des mains d’un stalker, la tire vers lui alors qu’un motard roule un peu vite… De son côté, Nanase trébuche tous les deux mètres. Ce n’est pas mignon. C’est affligeant.
L’ombre de la domination masculine est partout. La grande sœur de Kairi, par exemple, est rabaissée par son père. L’homme de la famille, c’est son petit frère…
Les beaux gosses infects des comédies romantiques
Un cas d’amour incurable est tiré du manga Check me up d’ENJOJI Maki. Connue pour ses comédies romantiques un brin sexy, l’autrice a signé plusieurs œuvres publiées en France. Mon seul test avec cette autrice m’a laissé un goût amer : Happy Marriage !?
Dans Happy Marriage !?, Chiwa galère entre son job de secrétaire le jour et d’hôtesse la nuit. Mais elle n’a pas le choix : elle doit rembourser les dettes astronomiques de son père démissionnaire. D’humiliations en quiproquos, son secret de jeune femme ruinée s’évente. Elle accepte de se marier à un riche entrepreneur pour sauver les apparences. Bien sûr, le riche est beau et insupportable. Il humilie l’héroïne et peut même se montrer violent. Mais son charme opère assez pour qu’elle sente son cœur fondre… Au fond, son mari n’est pas si mauvais ; il a un lourd passé et vit des situations difficiles. Encore le cliché du dictateur traumatisé.
Que se passe-t-il avec ce type de comédies romantiques ?
Le héros est infect, mais ça passe, parce qu’il est soi-disant sexy. De qui se moque-t-on ? La fille est sotte, mais sa naïveté solaire amène de la joie dans le cœur du héros. Ces comédies romantiques nous montrent des ribambelles de femmes assez candides pour s’amouracher d’hommes qui les malmènent… Heureusement, il existe des comédies romantiques exemptes de ces terribles clichés, commeThe Blue Flower and The Ceramic Forest (manga).
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