Menu du jour du petit monde de Machida : sortie de Noël ou de printemps avec ses épices saveur gentil chocolat chaud. Bon appétit.
Ma famille, mes amis, de l’amour
Le petit monde de Machida, où les chroniques de Hajime Machida, le lycéen sympa et dévoué, poursuit dans les allées sinueuses des êtres vivants. On découvre enfin sa famille au complet, pilier sur lequel Machida s’appuie pour mieux aider son prochain. On en apprend plus sur Inohara. Ses allures distantes cachent un mal-être et un manque de confiance. Comment vivre quand personne ne se soucie de nous ?
Machida se soucie de tout le monde et répare encore, sans l’imaginer, de nombreux cœurs brisés. Inohara aime sa droiture, son honnête, sa franchise. Himuro, nouvelle star du lycée, n’aime que lui-même et trouve Machida trop original pour être un véritable ami. Il se sert tout de même de lui pour approcher Inohara, moins par amour que par soif de possession. Le conquérant n’est pourtant pas celui que l’on croit. La conquête n’a même rien à avoir avec les choses du cœur. Himuro recevra une belle leçon signée Machida.
Un manga qui fait du bien
Publié au Japon entre 2015 et 2018, Le petit monde de Machida (Machida-kun no sekai, en VO) a marqué les esprits. Le shôjo manga, terminé en 7 tomes (le tome 5 est sorti en France en mars dernier) aborde divers thèmes avec pudeur et finesse : la famille, l’amitié, la solitude, la vieillesse, les difficultés financières, le harcèlement scolaire… Au Japon, le succès est vite au rendez-vous. La série gagne de nombreux prix, dont celui du Meilleur manga du Japan Art Festival (2015) et celui du Nouveau Talent du Prix culturel Osamu Tezuka (2016).
Yuki Ando, l’autrice, avait placé la barre haute. Comment susciter l’intérêt avec un héros parfaitement banal ? Car Machida n’a rien pour attirer l’œil. Physique quelconque, endurance physique proche du néant, performances scolaires dans le même mouvement… Le lycéen a pourtant une qualité qui le rend bien plus populaire que les éphèbes du lycée : la gentillesse.
Qu’est-ce qu’être “gentil” ?
Pourquoi donc tant de suspicion autour du gentil ? Dans le manga de Yuki Ando, l’entourage de Machida s’interroge. Seule sa famille comprend et accepte volontiers le délicat caractère du jeune adolescent. Les autres sont souvent désarçonnés par sa gentillesse. Machida apporte son aide spontanément et sans rien demander en retour. Il est le bon Samaritain qui passait dans le coin, qui agit par pur amour du prochain, et repart comme il est venu. Certains remercient Machida par sa gentillesse. D’autres le trouvent louche. Ce sont certainement eux, les enquêteurs d’Internet.
Ce que dit la gentillesse, ce qu’on pense qu’elle dit
Pour ses détracteurs, gentillesse = mollesse et faiblesse. Les gentils seraient forcément passifs, peu affirmés, peu combatifs. Une mollesse qui se verrait dans leur posture effacée, avachie. Les personnes gentilles seraient bonnes poires et grandes naïves, incapables de dire non et d’affirmer leurs pensées. Certains fustigent particulièrement les hommes gentils, qu’ils jugent inintéressant, indécis, maladroits… On s’éloigne de plus en plus de la définition de « gentil ». Qu’importe. Les détracteurs un brin conservateurs (juste un peu) sont certains de leur définition. Ils pardonnent (juste un peu) aux gentilles, qui devraient, selon eux, être délicates par nature. Mais pas trop non plus. Tout serait dans l’équilibre.
Le problème, c’est justement le déséquilibre entre la définition et les idées qu’on se fait. On glisse volontiers de « gentil » à « trop gentil ». Pourtant, ce n’est pas du tout la même chose. On associe volontiers « gentil » « mou » « faible » « indécis »… des termes qui n’ont aucun rapport. Dans le manga, Machida est gentil, affirmé, empathique, altruiste, combatif, responsable, persévérant, déterminé. Voilà ce que dit sa gentillesse à lui. D’autres seront gentils, drôles, fonceurs, endurants etc. Rien n’est mécanique. Tout de construit. Chaque individu est un monde. Celui de Machida veut tirer le meilleur de l’humain.
Ce que cache la gentillesse, ce qu’on pense qu’elle cache
Mais les détracteurs insistent : la gentillesse ne serait qu’un masque. Les gentils manqueraient de confiance en eux ou cacheraient de sombres pulsions (les détracteurs ne font pas dans la demi-mesure). Côté manque de confiance, on trouverait l’envie maladive de faire plaisir, et, pour les hommes, un hypothétique déni de virilité. Affirmation complètement débile mais qui, en 2023, a encore des adeptes. Côté sombres pulsions, les gentils seraient forcément manipulateurs. Menteurs, pervers, hypocrites,superficiels, ces terribles individus seraient prêts à tout pour conserver une bonne réputation. Affirmation toujours aussi ridicule, mais qui continue de sévir sur Internet.
La gentillesse ne cache rien. Le danger, c’est plutôt qu’on pense qu’elle puisse cacher quelque chose. Certes, il existe bien quelques cerveaux assez retords pour se jouer des sentiments humains. De là à penser que tous les gentils sont à jeter au cachot, il y a un fossé dans lequel il ne faut pas tomber. Dans Le petit monde de Machida, Yuki Ando aborde chaque scène de manière très banale, comme pour nous montrer qu’il ne faut pas imaginer des montagnes lorsqu’il n’y en a pas. Machida est simple et agit simplement. Il n’a pas honte de son caractère, bien au contraire. Sa gentillesse est sa force.
Apprendre la gentillesse
Gentils et gentilles de toutes les galaxies. Le moment est enfin venu de célébrer votre victoire. Après des siècles de vie à moitié cachée, votre statut est enfin reconnu à votre juste valeur. Vous êtes une qualité. Une qualité authentique.
On oublie d’ailleurs que le mot « gentil » emmagasine une foule de qualités : compassion, altruisme, empathie, don de soi, résilience, force de caractère, force de dire « non », honnêteté, sincérité, responsabilité, ouverture d’esprit, loyauté, discrétion, patience, humour. etc. Pour offrir son aide aux autres, il faut soi-même avoir une certaine force. Ça n’empêche bien sûr pas d’être moins confiant sur tel sujet, de chuter ici, de dire « non » pour telle chose, de réserver du temps pour soi.
La gentillesse compose avec d’autres qualités et défauts. Elle se manifeste plus ou moins selon les situations. Elle évolue, apprend au contact des autres, interagit, communique, se remet en question, se renforce et renforce l’estime de soi. Être gentil, c’est bon pour la santé.
A l’école du gentil Machida
Le monde a tendance à tout déformer. Le bien devient cruel, le mal est encensé. On peut lire que le pessimisme protège des mauvaises nouvelles, quand l’enthousiasme précipite la chute. On veut nous apprendre à voir tout en petit « au cas où ». Petite joie, petit égoïsme, petit plaisir, petite peine. Ça évite de choquer le cœur. Ça empêche surtout de vivre pleinement. Dans ses interviews, Yuki Ando, l’autrice, répond avec une simplicité qui rappelle fortement celle de son héros. Son manga est à son image. Sans prétention, il distille ses petites morales qui font du bien au cœur. Tout le monde devrait s’inscrire à l’école du gentil Machida. Pas de diplôme à la clé, mais la satisfaction d’être bien avec soi et avec les autres.