Menu du jour First Love : romance dramatique à la sauce neige. Bon appétit.
First love ou le bonheur vrai
Fin des années 90. Yae Noguchi et Harumichi Namiki ont la jeunesse des jours heureux. Le lycée, l’amour, la neige, les instants à deux, une promenade, le couvre-feu, un rendez-vous, la glace des amoureux. Ils s’imaginent vivre ainsi toute leur vie, la tête dans les nuages, le destin suspendu dans le ciel. Yae se voit hôtesse de l’air. Harumichi se rêve en pilote. Une seconde, un accident, et le rêve meurt. Du moins, celui imaginé par le jeune couple.
Un casting prestigieux
On ne compte plus les éloges écrits ou oraux (ou les deux) sur le drama japonais (J drama) First Love. « Incroyable » « chef-d’œuvre » « exceptionnel » « très belle histoire ». Il est vrai que le drama a de nombreuses qualités. A l’origine de la série diffusée sur Netflix, First Love et Hatsukoi, deux chansons de la célèbre chanteuse Hikaru Utada, sorties respectivement en 1999 et 2018.
Ces deux chansons inspirent le drama, réalisé et scénarisé par Yuri Kanchiku (co-scénariste de Followers, également disponible sur Netflix). A la production, Kasumi Yao et Kazutaka Sakamoto, qui travaille pour Netflix Japan. Taisei Iwasaki (Spriggran (dispo sur Netflix), Blood Blockade Battlefront (dispo sur Crunchyroll), Mon histoire (aussi dispo sur Crunchyroll)) signe les très jolies musiques du drama. Côté acteurs, Hikari Mitsushima (Yae Noguchi) et Takeru Satô (Harumichi Namiki) incarnent un couple touchant. Même impression pour Rikako Yagi et Taisei Kido qui jouent les héros jeunes. Les rôles secondaires sont tout aussi fouillés et attachants.
Un cadre idéal
Sapporo, capitale de l’île d’Hokkaido, à l’extrême nord du Japon, est un personnage à part entière. Cadrages et couleurs mettent la ville enneigée à l’honneur. Sapporo est poétique. Les décors font ressortir, tantôt l’intensité dramatique, tantôt la nostalgie ou la mélancolie. Le passé plein d’espoir tranche avec le présent, plus froid, plus désespéré. Yae et Harumichi ont la trentaine tourmentée et dramatique. La rupture entre le passé et le présent est très bien amenée, avec un rendu « vintage » côté passé, grâce aux musiques d’époque et au traitement de l’image.
Au plus près des sentiments
Tous les personnages sont importants. Sensible, leur personnalité se dévoile au fil des épisodes. Si le sujet principal de First love est l’amour, d’autres thèmes et amours sont développés. L’amour familial, vu à travers la joyeuse famille de Harumichi ou la relation entre Yae et sa mère. Une mère célibataire qui rêve de voir sa fille s’élever socialement. First love, c’est aussi les difficultés du marché du travail, le sexisme, le manque d’infrastructures de garde d’enfants, les tensions sociales et familiales, l’exclusion, le rejet, les tromperies, l’espérance, malgré tout.
First love parle aussi d’espoir. Devenu adulte, Yae est une femme active, pragmatique, déterminée, optimiste. Elle a refusé de s’incliner devant la richesse. Elle a reproduit le schéma familial et n’en rougit pas, au contraire. La mémoire n’est pas entièrement revenue. Tant pis. Elle vit, travaille, s’occupe de son fils. C’est une mère cool, qui sait encourager. Yukihito Kosaka, son ex-mari (joué par Osamu Mukai) reste englué dans les traditions. Le rôle du père, le rôle de l’homme… Il essaie maladroitement de sortir du moule, de trouver sa place.
Sa place, Harumichi la cherche encore. Le trentenaire apparaît plus brisé que Yae. S’il a bien servi dans l’armée de l’air, il est aujourd’hui agent de sécurité. Il a cru trouver un autre amour avec Tsunemi (interprétée par Kaho). Tsunemi (psychologue de métier) est franche, cynique, drôle, affirmée. Elle perce les autres à jour, mais ne se livre pas facilement. Elle brise peu à peu la carapace, quitte à souffrir. Harumichi souffre également, retrouve la stabilité auprès de sa famille. Yu, sa sœur (joué par Minami) fait se reconnecter avec le bonheur. Sa surdité n’a pas empêché son épanouissement, bien au contraire. L’espoir est toujours là.
Quelques fausses notes ?
On dira que la perfection n’existe pas. Certes. Par moments, le drama emprunte quelques sentiers bien connus de Poncifs et Clichés. Le jeune homme plein d’action qui transpire dans son uniforme militaire / la jeune femme qui attend avec ses rêves suspendus à la fenêtre. Certes, Yae étudie à la fac. Mais l’action reste davantage portée par Harumichi. Pour montrer leur évolution, Yae s’embellit dans les robes et le maquillage. Harumichi s’empaquette dans ses gros bagages.
Lorsqu’elle a l’occasion d’en savoir plus sur son passé, elle prend peur et préfère cacher la boîte à souvenirs. Réaction compréhensible sur l’instant, moins sur la durée. Ce point tranche même avec la personnalité affirmée de Yae. Elle n’est pas passive. Face à l’amnésie, elle semble pourtant le devenir. On sent où la scénariste Yuri Kanchiku veut nous emmener. Fallait-il emprunter ce chemin pour y arriver ? Son amnésie partielle parait presque romancée, avec une Yae contemplative alors qu’elle pourrait facilement interroger son passé, même sans s’en souvenir. Dommage.
First love ou l’espérance
« Espérer malgré tout » pourrait être le sous-titre du drama. C’est le thème sous-jacent de la série, incarné par Uta Komori (Aoi Yamada), jeune danseuse contemporaine, et Tsuzuru (Towa Araki), fils unique de Yae et Yukihito. Komori Uta (en japonais, le nom vient avant le prénom) signifie « berceuse » (komoriuta). Tsuzuru, destiné à suivre les traces de son père médecin, rêve en musique. Uta a déjà les deux pieds dans son rêve. Libre, ambitieuse, franche, elle fait ce qu’elle veut. Elle inspire un Tsuzuru encore partagé entre ses obligations de fils et ses rêves d’avenir. Impressionné par le charisme de la jeune fille, encouragé par sa mère, l’adolescent ose vivre son rêve.
C’est aussi ça, First love. Les amours partagés, contrariés, secrets. Les amours qui évoluent, s’éloignent, pour mieux se renforcer. Il fallait bien la beauté calme de Sapporo et de la campagne japonaise pour capter les mille facettes des sentiments humains.
Retrouvez First love sur Netflix.
Podcast, générique de début et de fin : Hands of winds, de Manuel Delsol. Un grand merci !
Crédit photo : © Netflix – 2022