Pourquoi avons-nous tant de mal à demander pardon ? Orgueil, culpabilité, déni, plongée dans les méandres de la réflexion humaine.
J’aurais dû te le dire un million de fois
100万回 言えばよかった (hyakumankai ieba yokatta)/ J’aurais dû te le dire un million de fois est un drama japonais (Jdrama) en 10 épisode, diffusé sur TBS début 2023, disponible sur Netflix depuis mai 2023. Il s’agit d’une œuvre originale entièrement scénarisée par ADACHI Naoko (Heartbroken chocolatier, adapté du manga de MIZUSHIRO Setona, Code Blue 3e saison, drama disponibles sur Viki).
- Réalisation : KANEKO Fuminori (Story of my family…), FURUBAYASHI Juntaro, WATANABE Atsushi et YAMAMURO Daisuke.
- Profuction : ISOYAMA Aki, TBS
Casting
- INOUE Mao (SOMA Yui). C’est elle qui jouait Makino dans le très populaire Hana yori dango. Hanadan, avec Matsumoto Jun, qui joue le héros de Heartbroken chocolatier.
- SATO Takeru (TORINO Naoki). SATO a joué dans First Love ; il est notamment connu pour son interprétation de Kenshin (disponibles sur Netflix).
- MATSUYAMA Kenichi (UOZUMI Yuzuru). C’est lui, L, des films Death note. Il joue aussi dans le drama Japan Sinks, people of Hope, dispo sur Netflix.
L’histoire
Yui est coiffeuse, Naoki, cuisinier. Les deux amis d’enfance se sont perdus de vue quelques années avant de se retrouver. Ils finissent par sortir ensemble et s’imaginent continuer ainsi le reste de leur vie. Naoki prépare sa demande en mariage. Commencera pour eux une vie tranquille faite de joies et de peines ordinaires, une vie semblable à celle de nombreux autres couples sur terre.
Mais ça, c’était avant la disparition de Naoki. Yui presse la police d’enquêter, mais Naoki est adulte et les autorités ne semblent pas porter attention à son cas. Seul le policier Yuzuru considère sérieusement les propos de Yui. Il retrouve vite Naoki. Le jeune homme est bien là, sur terre. Du moins, « son âme ». Naoki est devenu une « âme errante ». Il est donc mort, et seul Yuzuru peut le voir. Commence alors une longue et douloureuse enquête pour Yuzuru, mais aussi pour Yui et Naoki qui essaieront de maintenir le lien malgré la distance surnaturelle qui les sépare.
Burn the House Down
御手洗家、炎上する (Mitarai-ke, Enjou suru). A la base, c’est un manga de FUJISAWA Moyashi, sorti en 2016 chez la Kôdansha. La série est terminée en 8 tomes. Elle est sortie en France en 2023, chez Akata, sous le titre Burn the House Down (série en cours). L’adaptation drama (sous le titre « Famille en flammes » – 8 épisodes, Netflix) est signée KANEKO Arisa, avec HIRAKAWA Yuichiro et SHINTOKU Koji à la réalisation. La production est confiée à HARUNA Kei, avec Netflix.
Casting
- NAGANO Mei (MURATA Anzu). Elle a aussi joué dans Kenshin.
- TSUNEMATSU Yuri (MURATA Yuzu). On l’a vue dans 5ji kara 9ji made (Viki).
- SUZUKI Kyoka (MITARAI Makiko). Elle a joué dans Say Hello to Black Jack.
L’histoire
La vie des jeunes Anzu et Yuzu a volé en éclat depuis l’incendie de leur maison. L’insouciance de la vie de famille tranquille est terminée. Plus de joie, que des doutes et des questions sans réponse. Négligence ? Accident ? Personne n’a jamais fait toute la lumière sur le drame. Devenue adulte, Anzu n’a pas oublié la tragédie. Mais il faut bien manger. Anzu décroche un poste d’aide-ménagère dans la luxueuse résidence Mitarai. C’est aussi le nom de Makiko, la star des réseaux sociaux. La femme d’affaires a fait de sa vie son business. Epouse et mère modèle, elle incarne la réussite pour une certaine vision de la femme japonaise. Traditionnelle, élégante, dévouée, altruiste… un modèle à suivre, en somme. Pourquoi Anzu a-t-elle opté pour cet emploi dans cette maison ?
Pourquoi demander pardon ?
J’aurais dû te le dire un million de fois et Famille en flammes évoquent ces choses passées sous silence au nom d’une prétendue volonté de payer soi-même sa faute.
Dans les fictions, on peut voir un coupable qui répare son crime en s’investissant dans de bonnes actions. On lui demande de se rendre. Il plante des arbres, crée des emplois ou distribue son argent aux personnes précaires. C’est très bien, mais ça n’est pas ce qu’on lui demande. Cela n’efface pas non plus son acte. Ça ne remplace rien. Un peu comme ces arbres qu’on plante pour compenser soi-disant son empreinte carbone. Beaucoup de grandes entreprises roulent dans cette pâte et veulent nous enrober dedans. Mais la pâte est indigeste et étouffe. Ma pollution de maintenant ne sera pas compensée par un arbre planté je ne sais quand, je ne sais où, et qui ne passera peut-être pas l’hiver. On ne compense rien. Il faut changer de comportement, et c’est tout. Il faut adopter le bon comportement.
Comportement bon comportement
Le plus délicat, avec ces pardons qui ne viennent pas, c’est que les prétendus « bons comportements » sont décidés par l’auteur de la faute. Je vous ai fait du mal et me justifie à grand renfort de tirades indigestes. Et je décide d’investir dans votre entreprise, de vous aider secrètement à trouver du travail. Ou alors, je vais aller ailleurs, très loin de vous, et m’investir dans des causes caritatives. Je vais donner mon sang, mon plasma, tout ce que je peux, pour me racheter. Vous ne le saurez jamais, mais chaque jour, je mettrai une petite pièce dans mon aumônière de compensation. Lorsqu’elle sera bien pleine, je pourrai me dire que oui, ça compense bien l’absence de pardon. Mais non.
Demander pardon
Qu’est-ce que « demander pardon » ? Demander pardon, c’est reconnaître que oui, j’ai commis une faute, grave ou non. Je considère peut-être cette faute comme mineure. Mais peut-être est-elle objectivement grave, condamnée par la loi, par exemple, et/ou moralement condamnable. Mais en fait, qu’importe ce que je pense de mon acte, quand je demande pardon, je ne pense justement plus à moi, mais je pense à la personne que j’ai blessée.
L’important, c’est ce que l’autre pense de mon acte. Il/elle a été blessé.e à cause de moi. Voilà les faits, le point de départ. Je lui demande pardon, car je reconnais ma faute. Je ne me cherche pas d’excuses et n’explique pas mon procédé pendant 1000 ans. A qui servent explications ? A l’autre, ou à moi ? Si mon charabia ne sert qu’à alléger ma conscience, je ne suis pas en train de demander pardon.
Le poids des mots
« déso », « je m’excuse », « pardon »… Les mots ont un sens et un poids. On s’adapte bien sûr en fonction de la gravité de l’acte commis. Je ne vais pas m’écraser au sol pour vous avoir légèrement bousculé par inadvertance. Je vais m’excuser et continuer ma route.
Que dire alors de ces mensonges que l’on invente souvent pour refuser une invitation ? J’aurais simplement dû dire « je ne viens pas », mais au nom de je ne sais quelles convenances sociales, j’ai menti. Mais vous l’avez su. Désormais, vous vous demandez si je n’ai pas menti pour toutes les fois où j’ai décliné vos invitations à sortir. Vous me prenez peut-être pour un/une mythomane, et je transpire encore en me demandant comment seront nos relations futures.
Une marque de faiblesse ?
On pense encore trop souvent, à tort, que demander pardon est une marque de faiblesse. Confère notamment dans le monde politique. Les bourdes s’accumulent aux boulettes et s’agglomèrent avec les erreurs. C’est encore une pâte qu’on veut faire avaler à qui le veut ou ne veut pas, c’est comme ça, dit-on. On passe son temps à se justifier, mais sans demander pardon.
Le pardon est pourtant un premier pas vers la repentance. J’ai honte de mon attitude, regrette, culpabilise. Pas pour me fouetter jusqu’à mon dernier souffle, mais pour prendre conscience de mes actes. Je pense à l’autre avant de penser à moi.
Rentrer en soi
Je dois pourtant repartir en moi-même lorsque ce mot « pardon » ne sort pas. Peut-être que je m’estime aussi victime. L’autre l’a un peu cherché, après tout. Je peux aussi reconnaître ma faute, mais penser que, vraiment, « pardon » est une trop grande humiliation. Je ne fais pas me flageller pour ça.
Voilà l’orgueil. Il pactise avec l’entêtement. Oui, je suis coupable, mais j’avais quand même un peu raison, dans mon système de pensée. Pourquoi ne regarder qu’à la victime objectivement identifiée ? La vérité peut être plurielle.
Ce système de pensée rend difficile la prise de conscience, pourtant nécessaire, des sentiments de l’autre. Sentiments qui doivent passer en premier.
Ma peine
Et si je décidais moi-même de la suite des évènements ? Je peux aussi décider quelle sera ma peine et quelles seront ses modalités d’application. C’est le choix de certains personnages de Famille en flammes et J’aurais dû te le dire 1000 fois. Ce choix, nous sommes très nombreux à le faire. C’est presque inconscient.
Parfois, il arrive que la victime accepte ce procédé. Mais là encore, bien entendu, tout dépend de la gravité de l’acte, de sa perception, pour la victime.
Cas pratique
Je reçois des menaces d’un.e collègue, qui me promet de m’en faire voir de toutes les couleurs, et pire encore. Quelques semaines passent et les couleurs se sont toutes fondues en une, celle du regret. Je le remarque au changement de ton de mon autoproclamé ennemi.
Après m’avoir évité quelques jours, mon ex-ennemi.e surgit un jour devant moi, deux tasses de café fumant en main. La seconde tasse est pour moi. Il y a aussi des biscuits et des chocolats. Ceux aux noisettes sont excellents. Je comprends qu’il/elle essaie de se faire pardonner. Il/elle ignore comment s’y prendre ou ne souhaite pas prononcer ces mots. « Ça ne sort pas », dit-on souvent. Les insultes se déversent comme l’eau du torrent, mais demander pardon, reconnaître sa faute, vraiment, ça ne sort pas.
Et voici donc l’ex-ennemi.e parti.e investir dans le café, et les biscuits chocolatés pour me faire plaisir. C’est cher payé, pour un « pardon » gratuit. Surtout que je n’aime pas le café. Mon ennemi qui souhaite faire la paix m’impose son breuvage et ses biscuits gras-sucrés. J’accepte néanmoins ce pardon émietté.
Parfois, pardon est un peu maladroit. Il ignore comment se présenter et gesticule, tremble, bafouille, panique. L’autre, la victime, décide d’accueillir ce pardon un peu biscornu. Encore une fois, tout dépend de la situation, bien entendu.
Le pardon bloqué
Mais pourquoi ce blocage à la porte de la demande de pardon ?
Demander pardon peut être perçu comme humiliant, dégradant. Certaines personnes ont vraiment du mal à prononcer ce mot, même lorsqu’elles sont visiblement en tort. Elles préféreront la fuite, l’évitement, ou toute autre action les éloignant de leurs responsabilités.
Bien qu’en tort, je décide de ne pas me rendre à la justice. Je décide que l’affaire est mineure pour vous comme pour moi.
Je vous laisse dans les tourments, mais tout en pensant à vous de loin grâce à mes bonnes actions. Vous souffrez. Je plante des arbres. Je serai une bonne personne. Désormais, je m’engage à faire le bien. Tout ça, vous ne le savez pas et ne le saurez jamais. Mais si j’ai la repentance franchement tordue, je resterai à vos côtés pour observer votre avancée. Je deviendrai votre ami.e. Vous me confierez vos malheurs et insulterez le criminel responsable de vos peines. Je vous encouragerai dans l’insulte et le désir de vengeance. Manière pour moi de payer mon crime au plus fort : insultez-moi donc. J’entretiendrai votre colère et verserai de grosses pièces dans mon aumônière de compensation. Ou alors, je vous inviterai à oublier, à tourner la page.
Beaucoup de pommade sur les plaies pour mieux cicatriser. Votre sourire retrouvé formera de grosses pièces dans mon aumônière… Les mois et les années passeront, et je me dirai que vraiment, j’ai bien fait de ne rien vous dire. Remuer le couteau dans la plaie est affreux.
Le pardon ou l’abandon
Affreux pour qui ? Il n’y a bien sûr ici aucune véritable repentance. Car ici, on ne se met pas à la place de l’autre, de la victime, de la personne qui souffre par sa faute, mais on reste à sa place. On reste dans sa position de coupable, pour broder des bouts d’autojustification maquillés en pardon. On colmate les brèches de son cœur pour ne pas affronter la réalité. La victime, elle, l’affronte pourtant tous les jours.
Que risque la personne coupable qui exprime des regrets sincères ? Selon la gravité ou l’absence de gravité de son acte, la prison, une amende, un avertissement, un rappel à la loi, une remontrance, une punition, deux jours ou deux semaines de bouderies, rien du tout ? Mais pour le savoir, il faut oser tout lâcher, tout abandonner. Le coupable doit s’abandonner dans les mains de la personne blessée, de la justice, si l’affaire est portée devant les tribunaux. C’est ça, penser à l’autre.
Accepter le pardon
Avez-vous déjà vécu cette scène ? Une personne demande pardon à une autre. L’autre entend le discours, mais dit avoir besoin de temps, ou même, ne pas vouloir pardonner. La première personne s’indigne. Elle est venue demander pardon, a peut-être écouté le prêchi-prêcha d’Asa lit des mangas sur la repentance, et voilà que ça ne marche pas, qu’il n’y a pas réconciliation et de café biscuit gras sucré ? La personne à l’origine de la faute s’énerve franchement, et accuse l’autre d’avoir mauvais cœur. Le principe n’est-il pas d’accorder sur le champ le pardon demandé ?
On oublie souvent le facteur temps, pourtant indispensable. En demandant pardon, vous acceptez de ne plus être maître à bord. C’est l’autre qui conduit. Il/elle n’est pas obligé de vous pardonner. La personne en face peut avoir besoin de temps pour digérer ce que vous lui avez fait. D’ailleurs, lorsque vous voulez demander pardon, la victime ne sera pas forcément dans le même état d’esprit que vous. Elle n’est peut-être pas encore prête à vous voir, encore moins à vous entendre. Ça aussi, il faut l’accepter. Vous reviendrez plus tard. Mais que faire si l’autre ne veut jamais vous revoir ?
Dans le cœur
Quelle est votre motivation en demandant pardon ? Voulez-vous êtes vite pardonné pour être soulagé ? Dans ce cas, au final, vous pensez peut-être plus à vous qu’à la personne blessée. C’est humain, bien sûr, de ne plus avoir ce poids sur la conscience, d’en finir avec la culpabilité. Et c’est aussi un poids à porter. Quand on ne pense qu’à la victime, ou plutôt, quand on pense plus à elle qu’à soi, l’orgueil et la culpabilité tombent assez pour laisser la place à l’humilité, à la demande de pardon. L’autre pourra ou non l’accepter ; c’est une donnée qui n’est pas à notre portée et qu’on ne cherche pas à atteindre. Viendront ensuite les conséquences, qu’il faudra porter, aussi lourdes soient-elles.
Ces poids ne seront pas ceux que nous aurons choisis. Nous ne planterons pas d’arbres pour compenser nos fautes. Nous accepterons ce que la justice dira, ce que l’autre dira ou ne dira pas.
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