Précédemment dans Tokyo Tarareba Girls

Rinko avant Reina

Pour rappel, Tokyo Tarareba Girls (Le Lézard Noir), c’est LA série à succès de la mangaka HIGASHIMURA Akiko, connue en France pour Princess Jellyfish (Delcourt), Trait pour trait (Akata), ou encore Le gourmet détective (Delcourt/Tonkam). Le Lézard Noir a sorti les autres titres de l’autrice : Tokyo Tarareba Girls Returns, Le tigre des Neiges, et A Fake affair. Nul doute que Ne m’oublie jamais (webtoon disponible sur la plateforme Piccoma), sortira un jour en France.

Tokyo Tarereba Girls raconte l’histoire de 3 amies trentenaires tokyoïtes, entre déboires professionnels et sentimentaux… Surtout sentimentaux. Contrairement à leurs anciennes camarades, Rinko, Kaori et Koyuki ne sont pas encore mariées. Dans leur travail aussi, c’est la morosité ; elles désespèrent de se poser un jour.

La saison 2 suit à peu près le même schéma. A ceci près qu’on ne découvre pas la suite des aventures des trois amies, mais l’histoire de HIROTA Reina, 30 ans, célibataire sans enfant, qui vit chez ses parents et enchaîne les petits boulots.

!! Avertissement !!
La chronique livrera moult révélations sur le contenu du tome 1.
Vous voici avertis.

Acte 1 : Un jour avec l’heureuse Reina

1er mai 2019 : le Japon entre dans une nouvelle ère impériale. Bienvenue à l’ère Reiwa. HIROTA Reina, qui partage avec l’ère le premier idéogramme, commence aussi un nouveau chapitre de sa vie, avec un nouveau job dans une bibliothèque. La trentenaire travaillera avec Shôko, 40 ans, et Numabukuro, un homme qu’on présente comme « timide ». Du moins, d’après Shôko qui, se montre quelque peu agressive envers lui…

A peine les présentations faites, la conversation entre Reina et Shôko dérive sur les amours. Aucune n’est mariée, aucune n’a d’enfant. Reina se présente comme heureuse : elle travaille quand elle veut, comme elle veut, démissionne tout aussi aisément, profite de la générosité parentale… Mais l’heure Reina se définit aussi comme « vieille ». Une « vieille » qui se dit heureuse « même si elle n’a pas de copain ».

Des copains, Shôko lui en présente un soir après le boulot. Direction un obscur bar tenu par un patron excentrique, Yoshio n°1, et ses employés également estampillés « Yoshio » n°5, 3, 10… Ils sont bien entendu jeunes et beaux.

Reina déprime un peu et vide son sac auprès des bellâtres. Elle vient de recevoir une invitation de ses anciens camarades de classe. L’heure est venue pour eux de déterrer la boîte à souvenirs qu’ils avaient enterrées il y a 15 ans, et dans laquelle ils avaient inscrit leur rêve pour « quand ils auraient 30 ans ». Reina réalise avec angoisse qu’elle a oublié ce qu’elle avait écrit.

Le débrief rapide

Un début d’histoire avec déjà deux figures d’héroïnes qui galèrent et les thèmes du jeunisme et du mariage lancés comme une brique dans la figure.

Acte 2 : Yoshio qui sait tout

Shôko et Reina squattent toujours le bar et entraînent les beaux gosses serveurs dans leur discussion sur les rêves d’enfance. Chacun y va de son souvenir, et la conversation dérive… Yoshio n°1, le patron livre ses connaissances entre deux excentricités.

Le fameux jour avec les anciens camarades de classe arrive. Occasion pour Reina de se comparer aux autres. Mais la boîte à souvenir n’est pas retrouvée, et la jeune femme déprime de plus belle. Heureusement, l’ancien délégué de classe, à force d’acharnement, parvient à la retrouver et envoie à Reina la photo du papier sur lequel elle avait écrit son rêve : « se marier, fonder un foyer heureux et vivre dans le bonheur ».

Débrief rapide

On se doutait bien qu’elle nous pondrait un rêve de la sorte. Un noble projet, là n’est pas la question. Le problème, c’est Yoshio 1. Bien que l’on se doutait aussi qu’il prendrait le rôle de « l’homme qui sait tout ou presque », le voir à l’oeuvre est assez fatiguant. Dans la saison 1, c’était le jeune Kei qui jouait ce rôle. Un rôle particulièrement agaçant. Ici, Yoshio est plus décontracté. Mais on reste dans ce schéma de « l’homme qui sait »… alors qu’il ne livre que des paroles de bon sens. Reina serait arrivée seule aux mêmes conclusions.

Actes 3 : Reina et le rêve insipide

Reina trouve son rêve insipide et s’étonne d’avoir formulé ce projet de vie plus jeune. N’est-elle pas heureuse ainsi, à traîner de job en job en s’écroulant sur le canapé familial dès que l’envie lui prend ?

Une nouvelle réunion de haute voltige au bar des beaux gosses va la faire réfléchir à nouveau. Yoshio ne met pas longtemps à découvrir le rêve de Reina et le valide. Se marier, quel beau projet ! Mais Reina trouve toujours son rêve ridicule. Quels seraient les avantages de se marier ? Rendez-vous pris avec une amie mariée, une enfant, laquelle lui parle de tous les évènements qu’on peut faire en famille. Les fêtes, les célébrations… Ces moments de joie reviennent en boucle. Ils rassurent, et forment « une boucle d’existence heureuse ». C’est exactement ce que voulait Reina lorsqu’elle était jeune.

C’est là que Reina, ivre, rencontre Yaka et Fokon, les autres « voix de la sagesse », vues dans Tokyo Tarareba Girls. Le bout de foie et la laitance de morue ont encore beaucoup de choses à dire… mais place à l’acte 4 !

Acte 4 : Reina ne sait pas choisir

Reina a retrouvé ses souvenirs. Enfant, elle était de toutes les fêtes, de toutes les sorties, notamment grâce à ses parents. Mais aujourd’hui, la trentenaire réalise qu’ils ne l’emmènent nulle part… C’est décidé : elle va se marier pour attraper cette boucle de bonheur. Ses parents retrouveront le bonheur par le même coup. Magnifique projet. Mais comment trouver un mari ? Tout d’abord, en continuant de taper dans l’argent parental. C’est qu’il faut se relooker, et que l’argent manque dans les caisses de la trentenaire, qui, on le rappelle, vit au crochet de ses parents.

Nouveau rendez-vous au bar pour discuter des nouveaux projets de Reina. Shôjo tente de l’en dissuader. Les plans pour trouver un mari, elle connaît. C’est cher et sans garantie de résultat. Le patron Yoshio ramène sa science. Reina pourrait-elle choisir un gars parmi les Yoshio du bar ? Devant son hésitation, il tranche. Les femmes sont, d’après lui, divisées en 2 catégories : celles qui savent choisir et celles qui ne savent pas. Celles qui savent piochent dans ce qui est là et explorent. Les autres attendent le fameux prince charmant. Reina attend-elle le fameux prince charmant ? L’héroïne opte pour une autre voie : sortir avec tous les Yoshio et se faire une idée !

Le grand face à face

Quelle lecture difficile… Hélas, on enfonce des portes ouvertes et on roule dans les clichés.

Idée mariage

Reina veut se marier. Soit. On a construit des sociétés en collant aux filles des rêves de mariage et aux garçons des rêves d’ascension, ce qui est complètement faux. Le thème est presque dénigré, alors qu’il s’agit d’un projet de vie noble. Vivre avec quelqu’un, peut-être fonder une famille n’a rien à voir avec le fait d’être une femme ou un homme.

Sans le sous

Autre problème. Les moyens. C’est bien beau de vouloir se marier, mais Reina ne pense-t-elle pas qu’elle devrait régler d’autres urgences en priorité ? Compte-t-elle vivre ainsi, et zoner de job en job ? Accepterait-elle un gars comme ça ? On ne compte plus les récits présentant des femmes particulièrement exigeantes sur le CV de leur homme, quand elles-mêmes vivotent entre la fainéantise et la procrastination.

On montre encore trop rarement des femmes ambitieuses, qui brisent les plafonds de verre, montent les échelons dans l’entreprise… Ou alors, quand elles le font, on les présente comme seules et souffrant de leur solitude. Comme s’il était impossible d’être cheffe d’entreprise et heureuse mariée/mère… Les fictions pourraient justement servir à faire bouger les lignes, au lieu de rouler sur les poncifs.

Plan de zonarde

Elle vit au crochet de ses parents mais semble presque leur reprocher « de ne plus rien faire ». Comprendre, pour elle : plus de fêtes familiales. Tout d’abord, on peut se demander si Reina s’intéresse aux activités de ses parents. Elle les trouve malheureux, mais qui lui dit qu’ils le sont ? Leur malheur, c’est peut-être de constater que leur fille zone au lieu de bouger.

Au lieu de se plaindre, pourquoi Reina ne réhabilite-t-elle pas les fêtes familiales ? Pourquoi ne cuisine-t-elle pas pour ses parents ? Pourquoi n’invite-t-elle pas sa mère à lâcher le tablier, à pousser le père en cuisine, à partager en famille ? Et quand elle leur confie son projet de mariage, suite à son intense réflexion, elle montre encore son égoïsme… C’est raconté comme une comédie, mais au fond, merci pour les parents.

Au fond, Reina projette beaucoup de frustrations par rapport à son célibat, et elle espère aussi beaucoup de chose quand elle aura changé de statut. Pour elle, se marier remettra naturellement en route les fêtes familiales. Elle oublie qu’elle a déjà une famille et pourrait remettre les fêtes en route maintenant, on l’a dit.

Une histoire de rencontre avant l’histoire de mariage

Elle oublie aussi qu’avant le mariage, il y a la rencontre. On échange, on change, et on changera tout au long de la vie à deux (et plus). Oui au rêve, mais encore faut-il laisser de la place au partenaire, au lieu de lui imposer sa vision de la vie. Heureusement, une partie du rêve de Reina est partagée par beaucoup : tout le monde veut être heureux. Personne n’irait souhaiter le désespoir et le malheur.

L’attachement aux fêtes familiales montre paradoxalement que Reina a l’esprit famille. Il lui faudrait donc un partenaire du même acabit. Quoique. Tout le monde ne partage pas la même définition de la famille. Quand Reina et son amie mariée en parlent, elles ne semblent qu’évoquer les fêtes de leur petit cercle familial : elles, leur conjoint, et leurs enfants. Mais la famille, est bien plus large. Pour certains, les grands évènements sont justement l’occasion de rassembler la famille au sens large, y compris les proches n’ayant pas de lien biologiques, mais partageant les liens du cœur.

Terminus Reina ?

Continuer la série ou non ? Le tome 1 suffit amplement… quoique la curiosité pousse à lire la suite, ne serait-ce que pour savoir quel chemin prendra Reina. Celui du travail, du plan de carrière et de l’épargne, ou celui de la rêverie éveillée dans son monde de beaux gosses ? La deuxième option paraît plus enjouée. Encore que… L’on peut aussi faire une comédie à coups de plan de carrière actif et de PER (plan épargne retraite)…!

Les infos en plus

Tokyo Tarareba Girls saison 2 aux éditions Le Lézard Noir

Générique du podcast : Hands of the wind, de Manuel Delsol 🙂

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