Précédemment dans Entre les lignes.
Publié chez Kana, Entre les lignes, le josei manga de YAMASHITA Tomoko, s’est achevé récemment avec son 11e tome. Au Japon, la série avait commencé en 2017 dans le magazine Feel Young (Shôdensha) sous le titre 違国日記 (ikoku nikki).
Comme le manga Comme une famille, Entre les lignes s’ouvre sur un drame. Asa se retrouve subitement orpheline, après le décès de ses parents dans un accident de voiture. Mais contrairement aux deux jeunes héros de Comme une famille, personne ne se presse pour recueillir Asa. La réunion de famille tourne aux prétextes hypocrites pour abandonner la lycéenne. Bientôt, elle sera adulte. Elle peut très bien survivre quelques années, seule.
Une seule voix s’élève dans ce brouhaha hypocrite. La voix d’une trentenaire qui n’aime ni les enfants ni les gens, et qui se supporte à peine : Makio. C’est elle qui prendre Asa sous son aile. Pour l’adolescente, c’est une rencontre avec un nouveau monde.
Bienvenue au début
Comme pour le manga Fends le vent !, la fin d’Entre les lignes, c’est le commencement. C’est un mot posé sur une question qui brûlait les lèvres d’Asa, sur une question que Makio refusait de se poser, par crainte de devoir dire la réponse, justement.
C’est gênant, ces choses-là. Voilà. C’est tout.
Yamashita Tomoko réussit avec brio à nous transporter dans son univers. Les dialogues sont particulièrement riches. La traductrice, Pascale SIMON, nous permet de saisir toute l’intensité de ces dialogues, qui semblent surgir, eux aussi, d’un autre monde. Une scène a priori banale devient LA scène où les émotions se mettent en scène et dissertent sur l’enfance, le passage à l’âge adulte, l’amour.
Et en attendant votre expédition dans les déserts d’Entre les lignes, zoom sur un thème développé dans le josei manga : l’enfant et l’adulte.
Qu’est-ce qu’un adulte ?
Trentenaire solitaire vivant de sa plume, Makio est la petite sœur de Minori, la mère d’Asa. Makio est donc la tante d’Asa. Mais elle ne l’a connaît pas. Makio et Asa vont apprendre à vivre et à se construire, avec l’autre dans le collimateur. Si Asa n’a connu que ça (la vie de famille), Makio, elle, ne connaît que la solitude. Difficile pour l’écrivaine de cohabiter avec une extraterrestre qui pille son oxygène. Les adolescents sont étranges. Les adultes sont pires. Les conventions sociales l’épuisent. Les gens mis dans des cases, des boites ou des trous, l’horrifient. Elle constate pourtant que le monde l’a plongé dans un gouffre : celui des adultes ratés.
Qu’est-ce qu’un adulte ?
« personne parvenue à sa maturité physique, intellectuelle et affective »
biologie : « un adulte est un être vivant parvenu au terme de sa croissance… ».
Synonymes : « majeur, grand, grande personne… femme mûre, homme mûr… ».
Les adultes sont-ils tous matures ? Non, hélas. Certains se laissent aller à leurs passions sans aucun recul sur les conséquences de leurs actes… comme des enfants.
Enfant
« Personne, telle qu’elle est désignée au cours de la période de l’enfance » « Personne à la naissance, et un peu après » « Fille, fils, descendant »
Au sens familier : « Personne considérée comme naïve ou trop prude. Faire l’enfant. Traiter quelqu’un comme enfant. Prendre quelqu’un pour un enfant »
Au sens figuré : « Adulte qui a conservé des attitudes, des caractéristiques, des sentiments de l’enfance. Un grand enfant »
Voici donc où se planque notre adulte. Dans sa chambre d’enfant. Pourquoi pas, de temps en temps. Il faut garder son âme d’enfant.
Adulte raté ou société encastrée dans son moule étriqué
Makio et les amis qui partagent son mode de vie seraient des adultes cassés, des enfants grands mais irresponsables. Leur tort : ne pas être marié, ne pas avoir d’enfant, ne pas être propriétaire.
Lorsqu’elle arrive chez sa tante, Asa remarque que quelque chose ne va pas. Car pour elle, être adulte, c’est être comme ses parents. Les adultes vivent en couple, fondent une famille, ont un emploi, s’occupent de leurs enfants… Mais au contact de sa tante, l’adolescente découvrira d’autres modèles d’adultes, d’autres modèles de familles.
Dans les yeux des enfants
Le passage obligé à l’âge adulte angoisse Asa. Quand aura-t-elle 18 ans ? Il lui faut travailler pour trouver un logement. Qui voudra bien l’embaucher ? Aura-t-elle assez pour louer un petit taudis cosy ?
Non, bien sûr que non. Etre adulte, ce n’est pas avoir 18 ans. On reste enfant, même 18 ans, 25, 40 ou 50 ans. On est toujours l’enfant de quelqu’un. Garder son âme d’enfant, c’est continuer à s’émerveiller, à imaginer, à se reconnaître ses failles, à admettre sa faiblesse. Un enfant n’a aucun mal à demander de l’aide car il se sait dépendant. C’est en grandissant que les contraintes sociales tordent cette humilité en faiblesse. Certains adultes s’emmurent dans des principes qu’ils n’interrogent pas. Ils ne vont plus vers l’autre et ne se remettent plus en question. Ils deviennent secs. Sans amour.
Au contraire, Makio reconnaît qu’elle est en construction. L’être humain est un chantier en construction depuis les premiers rots. La construction continue, même adulte. Les vieilles pierres sont remplacées par des nouvelles. Les fondations peu sûres cèdent la place à la seule vraie fondation capable de soutenir l’édifice. C’est au contact des autres, au contact des enfants comme des plus grands, que l’humain se construit. Asa, Makio, et les autres protagonistes d’Entre les lignes l’ont bien compris.
Les infos en plus
Entre les lignes – éditions Kana
Générique du podcast : Hands of the wind, Manuel DELSOL
Effets sonores : Zapsplat.com ; Tunetank.com