Avant le Pavillon des Hommes
Retour au Japon de l’époque Edo. Garçons, hommes et anciens tombent malades les uns après les autres. Ce sont tout d’abord les plus jeunes qui se plaignent de maux terribles. Viennent ensuite les adultes, puis les plus anciens. L’épidémie se propage dans tout le pays sans que l’on sache d’où elle vienne. Elle ne touche que les hommes. Ils deviennent bientôt des sujets en voie de disparition. Les femmes, elles, continuent de vivre en bonne santé. Elles représentent désormais l’écrasante majorité de la population. On les voit partout, sur les marchés, dans les champs, au port, et même dans les hautes sphères du pouvoir… Le shogun est une shogun.
Garçons et hommes vivent surprotégés par leurs familles. C’est qu’ils sont devenu rares. Seules les femmes les plus riches peuvent s’offrir un mari. Certaines font tout pour avoir une descendance. D’autres vendent les services des hommes de la maison aux plus offrantes. La vie est rude, pour ces hommes privés de liberté… La vie est rude pour ces femmes pour qui avoir un garçon reste comme un signe de réussite.
Le Pavillon des Hommes et le pouvoir
Les précieux hommes occupent une place de choix, mais pas là où on l’imaginerait… Les femmes sont au pouvoir, et les hommes sont mis sous cloche. Les plus beaux exemplaires s’exposent au Pavillon des hommes. 800 hommes drapés dans les plus beaux tissus, qui ne vivent que pour le bon plaisir de la shogun. Car le Pavillon des hommes est interdit aux autres femmes. Personne au Japon ne sait ce qu’il s’y passe, à part, bien sûr, les hommes du pavillon eux-mêmes. C’est là qu’atterrit Mizuno. Derrière sa désinvolture, le jeune homme cache une grande gentillesse. Lorsque sa famille veut l’envoyer dans une riche famille, il préfère partir pour le Pavillon des hommes. L’on dit que l’endroit est exceptionnel, que le travail paie bien. Mizuno préfère partir pour envoyer de l’argent à sa famille. Et tant pis pour Onobu, son amie d’enfance, son amour de toujours…
La séparation est déchirante. Tout aussi déchirante est la réalité qui s’impose aux yeux d’un Mizuno sidéré. Le Pavillon des hommes est sinistre. Et pourquoi garder tous ces hommes enfermés dans ce luxe, alors que dehors, tant de femmes hurlent pour avoir un enfant ? Mizuno veut percer le mystère et comprendre le fonctionnement de cette étrange maison… Mais il n’est pas bon d’être curieux au Pavillon des hommes… Alors que le caractère de Mizuno lui vaut d’être remarqué par ses pairs, alors que le jeune homme, rentré dans la plus basse classe du Pavillon, gravit les échelons, son caractère mordant lui attire l’animosité des autres hommes du Pavillon, parmi lesquels des hauts gradés…
Derrière le Pavillon
A l’origine de l’anime publié sur Netflix, on trouve le manga 大奥 (Ooku), de la mangaka Fumi YOSHINAGA. Le manga, sorti en 2005 au Japon, chez la Hakusensha et en 2009 en France, chez Kana, sous le titre Le Pavillon des Hommes. Terminé en 19 tomes, la série à succès a été adaptée en drama, en film live… et revient sur le devant de la scène avec une adaptation animée en 10 épisodes, créée par le studio DEEN et réalisée par Noriyuki ABE.
Le monde inversé à l’endroit
Dans Le Pavillon des hommes, on s’exclame : « tout est inversé ! » Les femmes dirigent, les hommes suivent. Mais quelque chose ne va pas. C’est le constat que fait la shogun. On utilise encore des noms d’hommes pour désigner les femmes influentes. On cache le fait que la shogun soit une femme…
Et aujourd’hui ? Combien de femmes présidentes de la république, dans les gouvernements, avec des portefeuilles importants comme l’économie ou l’intérieur ? Combien de femmes cheffes d’entreprise, à la tête de grandes entreprises, au sein des conseils d’administration ?
Exemple avec la présidence…
Le monde compte « 22 femmes à la tête du pouvoir exécutif dans leur pays : 9 cheffes d’État et 13 cheffes de gouvernement. Elles représentent seulement 6 % et 7 % des dirigeants politiques de ce niveau dans le monde [soit] 9 cheffes d’État sur 152 chefs d’État élus. »
Observatoire des Inégalités
Au 1er janvier 2023, ONU Femmes compte « 31 pays où 34 femmes sont cheffes d’État et/ou de gouvernement.»
ONU Femmes
Parmi ces cheffes, Sahle-Work Zewde, la présidente de l’Ethiophie, Maia Sandu la présidente de la Moldavie, ou encore Sandra Mason, présidente de la Barbade. La Moldavie a aussi une première ministre, Natalia Gravrilita. En France, c’est Elisabeth Borne qui dirige le gouvernement. Mia Mottley est la Première ministre de la Barbade. L’on pourra rétorquer que la fonction de Sahle-Work Zewde est avant tout honorifique, symbolique. Mais le symbole est fort. Cependant, La route encore longue. « Les hommes continuent de monopoliser l’exécutif », pour reprendre les mots de l’Observatoire des inégalités.
Côté parité
Et la parité, alors ? De multiples pays ont adopté le principe, mais en pratique, toujours, des inégalités. Car on peut bien voter une loi sur la parité, mais encore faut-il aussi agir côté éducation pour permettre aux filles d’accéder aux cursus, et de gravir les échelons (dans les filières scientifiques, par exemple). On observe encore trop de portes fermées pour les filles, malgré d’excellent résultats scolaires. Outre les orientations dans la jeunesse, il faut aussi briser ce fameux « plafond de verre » qui coince les femmes à un certain niveau. Exemple en politique, avec des femmes présentes, mais pas aux postes-clés.
Le fil de l’histoire et les liens du présent
Ça bouge un peu. Comme la shogun qui, dans Le Pavillon des hommes, remonte le fil de l’histoire pour mieux bouger les lignes du présent, des gouvernements et institutions agissent. En juin 2022, l’Union européenne (UE) a afin mis en route son projet de loi élaboré depuis 2012, par la Commission européenne de l’époque (présidée à l’époque par José-Manuel Barroso, actuellement présidée par Ursula von der Leyen). Selon le projet de loi, les entreprises des pays membres cotés en bourse devront avoir au moins 40 % de femmes pour les sièges non exécutifs de leurs conseils d’administration, ou au moins 33 % de sièges non exécutifs et exécutifs. La mesure devra être appliqué pour 2026.
Au Maroc, une loi du 31 juillet 2021 fixe des quotas pour rendre dans des conseils d’administration des sociétés anonymes. Ils devront compter au moins 30 % de femmes en 2024, et 40 % en 2027. Au Kenya, selon la loi, au moins 33 % des parlementaires doivent être des femmes. Mais en pratique, elles ne sont que 20 %.
En France, une loi de 2011 impose un quota d’au moins 40 % de femmes dans les conseils d’administration et de surveillance. D’après le baromètre Equileap 2023 (égalité femmes-hommes) la France serait la championne de l’égalité femmes-hommes en 2023, mais aussi en 2022. Mais pas de quoi se réjouir trop vite. L’étude note de nombreuses limites : à peine 10 cheffes sur 119 grandes entreprises, dont seulement 3 dans le CAC 40, parité non respectée dans les PME et même au gouvernement…
Japon, la lutte des femmes politiques
En 1985, le Japon adopte une loi sur l’égalité des chances au travail. En 2021, soit 36 ans après l’adoption de la loi, à peine 10 % des entreprises sont dirigées par des femmes. Même combat en politique, avec encore trop peu de femmes. Le gouvernement Kishida compte 2 femmes ministres : Keiko NAGAOKA, ministre de l’Education, de la Culture, des Sports des Sciences et des Technologies, et Sanae TAKAICHI, l’ultra-conservatrice ministre chargée de la Sécurité économique, ministre d’État chargée de la propriété intellectuelle, des politiques spatiales, scientifiques et technologiques.
Les femmes se mobilisent. Rei MURAKAMI FRENZEL a crée une fondation pour former les femmes à la politique. Elles sont suivies par de grandes femmes politiques, dont la députée Seiko NODA, qui s’est opposé au Premier ministre Kishida. Face aux intimidations, elle continue de dénoncer les injustices et de tout faire pour que les choses changent. Car, pour la députer, les choses doivent changer.
Pour aller plus loin
Article de Challenges du 28 avril 2023 : “Des femmes s’attaquent aux inégalité dans la politique japonaise”
Les infos en plus
Le Pavillon des Hommes, le manga au éditions Kana
Générique du podcast : Hands of the wind, de Manuel Delsol
Copyright image : © 2020, Fumi YOSHINAGA – studio Deen