Derrière la porte…

Pour commencer, plantons le décor : un lycée, Cerisiers et Orchidées. Une adolescente, Haruhi Fujioka, qui entre en Seconde. Un étrange groupuscule de bellâtres tous plus riches les uns que les autres. C’est ici qu’il faut poser son cerveau pour contempler mieux. Haruhi n’avait hélas pas posé le sien, et le choc culturel fut terrible. Alors qu’elle cherchait un endroit calme disserter sur la vanité de la vie (ou un endroit pour zoner tranquille), notre adolescente entre dans une jolie salle de musique…

Mais point de musique. Haruhi tombe plutôt sur 6 lycéens décorés de fanfreluches, avec un spécimen un peu plus extravagant que les autres… Ce sont eux, les « host », comprendre, les membres du cercle d’hôtes, dont le seul objectif est de satisfaire les désirs des clientes… Désirs simples qui tournent généralement autour de dégustations culinaires; rien de graveleux, ce sont des jeunes gens de bonne famille !

Sous le choc, notre héroïne fait un faux pas et brise un vase d’une haute valeur sentimentale (on y croit pas) et pécuniaire (certainement, oui). Car le lycée Cerisiers et Orchidées est un lycée de riches peuplés de super riches. Haruhi, pauvre boursière, est la seule élève modeste de l’établissement. Pour réparer son crime, elle aussi devra devenir « host ».

Host Club, les origines

Host Club, c’est le manga qui a propulsé la carrière de Bisco Hatori ! Terminé en 18 tomes, le manga est sorti au Japon en 2003, chez Hakusensha, sous le titre 桜蘭高校ホスト部 / Ouran koukou hosutobu ; « Ou » signifie « cerisier » et « Ran », « orchidée ». En France, le titre sort en 2006 chez Panini, sous le titre Host Club – le lycée de la séduction. Point de panique : derrière les grands mots, beaucoup de second degré. Le manga, stoppé en France depuis le 31 décembre 2016, va bientôt revenir enchanter les cœurs et déclencher les rires. Panini a annoncé une réédition pour février 2024.

Le manga Host Club est un immense succès ! Un anime est sorti en 2006, disponible sur Netflix. Au Japon, un drama et un film live-action sont même sortis, respectivement en 2011 et 2012. Un light novel a également vu le jour… succès complet pour notre cercle d’hôtes…

Le cercle d’hôtes, c’est avant tout la grande parodie, à tous les niveaux. C’est le rire, la farce, la grande blague. Même si son fondateur, le pseudo-baron Tamaki Suô, fier élève de Première, prend vraiment son rôle (ou son absence de rôle), très au sérieux. A ses côtés, son fidèle ami Kyoya Ootori, le véritable chef du cercle, le cerveau génial et terrifiant qui tire les ficelles dans l’ombre… Deux autres duo complètent l’incroyable cercle d’hôtes : tout d’abord, les Terminales Mitsukuni Haninozuka, surnommé Hani, et son fidèle Takashi Morinozuka, surnommé Mori. Ensuite, les Seconde Hikaru et Kaoru Hitachiin, des frères jumeaux qui mènent la vie dure à notre pauvre Baron… Voilà, le décor est planté. Place à la parodie.

La parodie du Host Club

L’un des grands points forts de Host Club, c’est le rire. Toutes les situations sont plus comiques les unes que les autres. Bisco Hatori, l’autrice, joue habilement avec les clichés : les jeunes riches du lycée Cerisiers et Orchidées ont fait 15 fois le tour de la planète mais n’ont jamais mis les pieds dans la supérette du quartier…. Ils prennent le caddie pour une invention de parc d’attraction et circulent en limousine au lieu de prendre le métro…

L’écologie ? Ils s’en fichent, et préfèrent gaspiller des milliards de yens et des hectolitres d’eau pour s’offrir un parc aquatique chauffé en plein hiver… Même fantaisies pour leur alimentation, importée depuis les confins de la terre. Ne leur parlez pas de café instantané, ils ignorent ce que c’est. Ils n’ont bien sûr jamais trimé de leur vie mais sont tous appelés à diriger le holding familial…

On comprend mieux le choc de Haruhi devant tant de gaspillage et d’étalage luxueux. Choc partagé. Pour les jeunes riches, Haruhi est un ovni. Elle fait ses courses dans des supermarchés, achète en promo, traîne dans des habits douteux, vit dans une cage à oiseaux…

Zéro pointé

Un bémol, tout de même. Parfois des clichés fossilisés semblent pris comme des vérités générales. Les vraies héritières manquent. L’on ne parle que de garçons appelés à prendre la suite de leur père. Les filles boivent du thé et mangent des gâteaux en attendant de se marier. Seule la mère de Kaoru et Hikaru contredit l’étrange norme. Haruhi aussi s’érige en nouveau modèle à suivre.

D’autres situations roulent dans ce sexisme ambiant, avec des propos comme « les hommes ceci… » avec des filles forcément fragiles et des garçons forcément forts.

Gros zéro pointé concernant une scène de l’anime. Dans un épisode, des personnages apparaissent en tenue militaire nazie. Pourquoi ? Bonne question. Cette scène n’apparaît pas dans le manga. Ce n’est pas la première fois que des productions dérivent ainsi. Le manga Genshiken, par exemple, montre l’un des héros, Madarame, en Hitler, au nom de quelque sombre volonté de montrer la détermination extrême du personnage… Dans le manga Hana Kimi, l’autrice dessine ses héros en tenue militaire nazie et explique que oui, elle connaît l’horreur de cette idéologie, mais trouve les habits cools, donc voilà. Voilà quoi ? Zéro pointé.

Host Club et la galerie bonheur

Si Host Club fait la part belle aux rires, il invite également à la réflexion. La famille, l’amitié, le déni, la peur, le rejet, la solitude… A travers sa galerie de personnages attachants, le manga évoque toutes ces thématiques.

Soleil qui pique

Derrière son air impassible, Kyoya carbure à l’esprit famille. C’est la mère qui rassemble ses petits, se bat pour eux et les défend contre l’ennemi. Mieux vaut avoir Kyoya avec soit que contre soi. A bon entendeur… Tamaki aussi œuvre pour préserver la cellule familiale, à grand renforts de déguisements et de pitreries (chacun ses méthodes). Personnage solaire il prend ses activités dans le cercle d’hôtes très au sérieux et met un point d’honneur à vivre à fond ses passions. C’est d’ailleurs ce qu’il enseigne à notre Haruhi blasée.

Vive les piques vives

A mille lieues de l’héroïne passive de shôjo manga, ces mangas « dits » pour fille (je suis partie dans une révolte solitaire contre ce genre de classification) Haruhi travaille dur. Ambitieuse, elle veut réussir professionnellement. Reine des piques vives, sa franchise fait souvent des dégâts chez son prochain… Un petit manque de tact qui, chez Kaoru et Hikaru, se transforme en gouffre de l’insolence. Ils excellent dans la taquinerie et aiment surtout tourmenter le pauvre Tamaki. Mais leur mauvais caractère est aussi une protection contre un monde parfois bien cruel… au fond, ils ont peur de se dévoiler.

Passion sucrée

Hani, au contraire, n’a plus peur de rien. Depuis qu’il a accepté sa passion pour les peluches et les sucreries, ce brave élève de terminale au physique de joyeux écolier passe son temps à explorer les merveilles culinaires sucrées. Heureusement que son fidèle ami Mori est là pour le tempérer. Mori, c’est le calme dans la tempête. Le doux sifflement et la brise fraiche. Il parle très peu, si peu qu’on l’oublie souvent. Mais sa présence rassure.

Host Club, le manga doudou

Host Club, c’est le manga bienveillant, rassurant, qui remonte le moral. C’est le manga doudou à lire et relire sans modération ! On rit beaucoup, on s’émeut, on aimerait que les aventures de notre cher cercle d’hôte continuent encore et toujours. Peut-être un jour, qui sait ?

Les infos en plus

Générique du podcast : Hands of the wind, de Manuel Delsol

Crédit image : Ouran koukou Host Club © Bisco Hatori – 2003 – Hakusensha

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